Les commencements de l'histoire de Breteuil demeurent pour le moins incertains et hypothétiques en l'absence de tous documents archivistiques antérieurs au milieu du XIe siècle. Par ailleurs, aucune prospection archéologique méthodique et d'envergure n'a été menée jusqu'à ce jour sur l'actuel territoire communal de Breteuil.Ces lacunes documentaires se révèlent d'autant plus regrettables que les découvertes archéologiques effectuées depuis bientôt soixante ans ont mis en évidence et confirmé l'existence et l'importance, à moins de trois kilomètres de Breteuil, d'un vicus gallo-romain d'une superficie conséquente établi, au premier siècle avant notre ère, de part et d'autre d'une vallée alors humide, la vallée Saint-Denis, sur l'actuel territoire du village de Vendeuil-Caply, au sud-est de cette localité.
Ce vicus connut son apogée entre le Ier et la fin du IIe siècle, occupant alors une étendue d'environ 130 ha et qui aurait compté jusqu'à 10000 âmes. Il est à remarquer que, jamais depuis, Breteuil et son environnement immédiat n'ont retrouvé une telle concentration de peuplement.
Un incendie dévastateur, vers 170-180, et la poursuite de la colonisation de l'Empire romain par les peuples "barbares" (c'est-à-dire non latins) venus de l'Est européen, qui se traduit au début du Ve siècle par de nouvelles installations et de nouvelles gouvernances, amènent le déclin et la destruction probable de l'agglomération. Celle-ci, ruinée, est alors progressivement abandonnée et son site ne sera plus jamais réoccupé. L'abandon définitif d'un tel habitat urbain n'est d'ailleurs pas l'une des moindres énigmes que porte en ses flancs la ville enfouie. En revanche, la découverte et la fouille, depuis trente ans, de nécropoles du haut Moyen Âge à proximité immédiate de ce site et à proximité du premier sanctuaire chrétien de Vendeuil (Les Marmousets, Le Clos de Vendeuil) confirment la pérennité d'occupations humaines en périphérie de la ville antique et dans la zone humide environnant les sources de la Noye.
A la même époque, le site actuel de Breteuil n'offrait, selon toute vraisemblance, qu'une vaste étendue marécageuse bordant la Noye, qui prenait sa source - il serait préférable de dire ses sources - à Vendeuil. Ces marais peu hospitaliers étaient en outre sillonnés d'une multitude de cours d'eau, pour la plupart affluents de la Noye, ruisseaux depuis taris, drainés, canalisés ou couverts, mais qui, à l'époque, formaient un complexe réseau hydrographique rendant encore plus inaccessible cet endroit.
C'est pourtant en ces lieux pour le moins insalubres que se constitue, très probablement autour des actuels cimetières de Breteuil et de Vendeuil, le noyau initial de l'habitat britulien. Et c'est au coeur de ces nécropoles, enclos sacralisés et christianisés, que vont naître les paroisses primitives de Breteuil et de Vendeuil.
Le berceau de l'agglomération britulienne est par conséquent à rechercher principalement autour de son cimetière, attesté, dès le haut Moyen Âge, par la découverte, à proximité, de sépultures et de sarcophages, lors de travaux entrepris à la fin des années 1950. Ce berceau se situe également autour d'un sanctuaire chrétien revêtant la plus haute antiquité comme semble en témoigner sa dédicace à saint Cyr et sainte Julitte. La chapelle du même nom, datant du XIIe siècle pour ses parties les plus anciennes, constitue aujourd'hui le dernier vestige, tardif, partiel et fortement remanié mais hautement symbolique, de la paroisse primitive de Breteuil.
En ce lieu vécut, ou plutôt survécut, pendant plusieurs siècles, une petite communauté rurale, précaire et grégaire, dont on ne sait malheureusement rien. Premier habitat fixé à la lisière des marais - insalubres, mais nourriciers et protecteurs - et du plateau, sur le flanc duquel se trouvaient - et se trouvent encore - le sanctuaire et la nécropole.
Ce noyau originel de l'agglomération britulienne semble avoir subsisté en cet unique endroit jusque vers le IXe siècle. C'est vers cette époque que l'on peut situer, selon les hypothèses les plus sérieuses, le second événement fondateur de l'actuel Breteuil : l'implantation d'une colonie de moines bénédictins au coeur même du Breteuil contemporain, à l'emplacement de l'actuel Institut médical de Breteuil et des bureaux de la communauté de communes qui occupent aujourd'hui une partie des anciens bâtiments abbatiaux et conventuels. L'acte le plus ancien qui nous soit connu concernant Breteuil, la confirmation par le pape Léon IX des biens accordés par le comte Gilduin aux religieux de l'abbaye Notre-Dame, en 1049, fait en effet mention d'un monastère "anciennement ruiné" ou "ruiné depuis longtemps", ce qui paraît confirmer l'existence d'un tel établissement avant l'an mil.
On peut rattacher la création de ce monastère, peut-être de fondation royale, à la juxtaposition de trois éléments naturels : un lieu peu accessible, propice au séjour conventuel, l'omniprésence d'une eau pure, source de vie et de prospérité économique, une terre ne demandant qu'à être assainie, drainée et fertilisée. On peut cependant supposer que l'abbaye primitive et l'habitat qui s'était ébauché tout autour eurent à subir les affres et les destructions consécutives aux incursions normandes des années 850-860.
Il faut attendre la fin de cette période d'instabilité et l'avènement des Robertiens pour voir les premiers seigneurs connus de Breteuil occuper le site actuel de notre bourg et, par voie de conséquence, restaurer le monastère préexistant.
Une motte castrale artificielle, environnée d'une enceinte de terre et surmontée vraisemblablement d'une tour en bois, symboles de la puissance féodale, transforme alors la physionomie de ce territoire marécageux. Cette motte, érigée avec des terres provenant probablement de la colline naturelle voisine du Frayer - les actuelles rues Voltaire et du Bel-Air - supporte par la suite une redoutable forteresse, démantelée après la Guerre de Cent ans : c'est ce que les Brituliens appellent encore aujourd'hui "la Butte".
Quant au monastère bénédictin, il est rétabli et pourvu d'un temporel, vers 1040, par les soins d'un seigneur de Breteuil nommé Gilduin, vicomte de Chartres et vassal du comte de Blois, puissant feudataire qui contrôle alors une grande partie du Beauvaisis. Gilduin attribue aux moines un volume tout à fait imposant de possessions foncières et immobilières sises à Breteuil ou dans la région - notamment vers Froissy, à l'ouest, et Maignelay, à l'est -, plusieurs moulins dont le moulin des Moines à Breteuil (scandaleusement détruit en 2015), des pressoirs, des fours, 25 arpents de vigne, et, au spirituel, de nombreux "autels", parmi lesquels l'église Saint-Cyr et ses terres environnantes dont s'étaient rendus maîtres les seigneurs de Breteuil à une époque indéterminée.
Les habitants de Saint-Cyr se trouvèrent alors placés dans l'orbite spirituelle et temporelle directe du monastère, qui les attira bientôt à son service et provoqua un déplacement de population aux abords de la motte castrale et de l'abbaye. L'habitat autour du cimetière fut progressivement délaissé au cours du Moyen Âge et l'église primitive convertie en chapelle vers le milieu du XVIe siècle.
Dès le milieu du XVIe siècle, le monastère, qui avait été rebâti aux pieds de la motte castrale, avait acquis, par le biais de nombreuses donations effectuées par des seigneurs laïques, une puissance foncière considérable à Breteuil et dans sa région. Cette omnipotence territoriale ne manqua pas de provoquer rapidement d'inévitables et nombreuses dissenssions avec le comte de Breteuil, seigneur haut justicier du lieu.
Jusqu'à la suppression du monastère, en 1790, la plupart des habitants de Breteuil tenaient des terres ou des immeubles en censive de l'abbaye. Cette abbaye, qui fut le ciment du tissu social britulien, fut par conséquent à la base de son expansion économique et domina fortement les destinées du bourg jusqu'à la Renaissance.
La paroisse actuelle de Breteuil, dédiée à saint Jean-Baptiste, fut officiellement créée en 1164, sous l'impulsion de l'abbé. Quant aux premières chartes de franchises communales, embryon de municipalité et reconnaissance de son statut de "bourg", elles furent accordées à la cité de Breteuil par son seigneur, en 1226, éclatant témoignage d'un développement économique fulgurant sur un siècle et demi.
Paradoxe de l'Histoire : alors que le site primitif autour du cimetière était abandonné de ses habitants depuis le XVe siècle, la création de lotissements aux abords de la nécropole, dans les années 1970, constitua un curieux retour aux origines les plus lointaines de la topographie britulienne et de l'histoire collective. Comme il est vrai qu'à Breteuil, on revient toujours aux sources...
Jean-Charles Cappronnier