Dès 1958, la Ville de Breteuil a remis chaque année ”le prix Charlotte Bacouel ” à une jeune fille méritante de la municipalité. Nous allons tenter de comprendre comment ce legs a été instauré et de quelles manières il a perduré jusqu’à son extinction en 2016.
Les parents de Charlotte Bacouel sont originaires de l’Oise. Charles Pascal Jean Baptiste, son père, est né à Paillart le 17 avril 1870, et sa mère, Blanche Angèle Marie Aimée Lefranc, a vu le jour à Crèvecœur-le-Grand le 24 mai 1872.
Charles, alors conducteur d’omnibus domicilié 63, rue Traversière, à Paris, et Angèle, alors employée domiciliée 17, rue de l’Aqueduc à Paris, se marient à la mairie du 10e arrondissement de Paris le 18 septembre 1900 et Charlotte Blanche Jeanne Denise Marie naît le 14 janvier 1903 au 101 rue de Clignancourt à Paris. Mais, le 13 juillet 1926, cette enfant unique décède à l’âge de 23 ans. Elle exerce alors la profession de dactylographe et vit chez ses parents, 54, rue Marcadet à Paris. Le décès prématuré de ”leur fille bien-aimée ” sera sans doute pour ces parents éplorés le début d’une réflexion sur le désir de perpétuer le souvenir de Charlotte.
En 1939, Charles et Angèle vivent à Breteuil, 134 rue de Beauvais. Le 1er septembre, maître Henri Perreau, notaire, établit ”un testament authentique ”. Dans cet acte, les époux Bacouel déclarent vouloir ”instituer la ville de Breteuil pour leur légataire universelle à charge pour cette dernière d’employer chaque année une partie des revenus des biens légués à la création d’un prix de vertu au nom de leur fille.”
Charles Bacouel décède à Breteuil le 7 avril 1953 et le 27 juillet sa veuve réitère sa volonté d’instituer la Ville de Breteuil pour légataire universelle à compter du jour de son décès. En contrepartie, la Ville de Breteuil doit créer ”un prix de vertu Charlotte Bacouel attribué à une jeune fille française, chrétienne, de bonne conduite, sans aucune acceptation de classe, âgée d’au moins 21 ans révolus et de moins de 30 ans, habitant Breteuil depuis 5 ans au moins ”.
”Le choix de cette jeune fille sera déterminé par un jury composé du conseil municipal dont la décision comptera pour une voix et par le doyen de Breteuil comptant également pour une voix. En cas de désaccord le choix définitif sera décidé par le Juge de Paix de Breteuil. La ville devra s’occuper des obsèques de madame Bacouel, assurer l’entretien du caveau au cimetière de Paillart, faire dire chaque année une messe basse à l’intention de Charles, Angèle et Charlotte ”.
Madame Bacouel décède le 19 janvier 1958. Le 28 juillet, le préfet de l’Oise informe le maire de Breteuil qu’un héritier naturel de la disparue, un neveu, a formulé une opposition à l’encontre des dispositions testamentaires de sa tante. Le maire doit constituer un dossier qui sera transmis au ministre de l’Intérieur. Dossier dans lequel il atteste notamment : ’’A aucune époque je n’ai trouvé chez les époux Bacouel un parent quelconque venu s’occuper d’eux ni même assister aux funérailles ”. Afin de prouver l’intention irrévocable de madame Bacouel, le maire atteste également que cette dernière ”a demandé que l’on commence de son vivant à désigner une jeune fille pour son prix de vertu et l’a reçue chez elle à plusieurs reprises ”. Il s’agit de Marie-Thérèse Rohaut de Breteuil.
Le 10 novembre 1958, le conseil municipal accepte le legs de madame Bacouel et le 24 décembre la Ville de Breteuil reçoit sa succession qui se compose d’une maison d’habitation sise 134, rue de Beauvais et de parcelles de terre sur les territoires de Paillart, Vendeuil-Caply, Hardivillers, Maisoncelle-Tuileries, Puits-la-Vallée, Hallivillers. Trois jours plus tard, la vente du mobilier a lieu à la salle des fêtes de Breteuil. Un an plus tard, le maire propose que tous les titres de natures diverses soient transformés en un seul afin de simplifier la gestion du portefeuille. Proposition qui sera acceptée.
Et de façon immuable, chaque année, une jeune fille de Breteuil est désignée. Le jour de la remise du prix, l’heureuse récipiendaire assiste à la messe, est reçue à la mairie pour recevoir le montant du prix puis se rend à Paillart pour se recueillir sur la tombe de la famille Bacouel et y déposer des fleurs.
Après Marie-Thérèse Rohaut désignée du vivant de madame Bacouel en 1957, reçoivent le prix : Michèle Mayer en 1958, puis Denise Corbanie l’année suivante qui, outre le montant de l’enveloppe, hérite d’une montre en or ayant appartenu à la légatrice.
Citons : pour l’année 1963, Geneviève Marvoyer, ”cadette d’une famille de 5 enfants, charmante jeune fille employée des PTT”, en juin 1976, Claudette Devaux qui reçoit le legs et un louis d’or, en 1978, Annie Demarcy l’heureuse élue : ”employée de bureau à Beauvais qui fait la route matin et soir à bord de sa voiture”. Mais en 2016, le capital du legs étant épuisé, Anne Cousin sera la dernière Britulienne à bénéficier du prix Charlotte Bacouel.