Nous relatons l’histoire d’un lieu qui ayant traversé la seconde guerre mondiale sans dommage fut émaillé par la suite d’un tragique évènement qui conduisit à sa destruction.
Commençons l’histoire en 1904 par la description succincte d’une habitation-dépendance figurant dans un contrat d’assurances en date du 27 octobre 1904 au profit de Monsieur Emile GUEUDET (voir Image 1), rentier, ancien artiste coiffeur domicilié au 29 rue Grande où il vit avec son épouse Hélène QUIDECON. Le lieu y est désigné « dépendances dans la cour en bois recrépi ». Cette habitation-dépendances avait probablement été acquise par Emile GUEUDET pour y loger son employé alors qu’il exerçait son métier d’artiste-coiffeur. L’ensemble (corps de logis du 29 rue Grande, abri/dépendances, habitation et garages) était alors cadastré en 3 parcelles de la section D : 258,259 et 260. Les garages donnant sur la rue Quétel, l’accès à l’habitation se faisant par une porte dans la ruelle Maiché puis escalier dans la cour.
Poursuivons la trace de cette habitation-dépendances par l’acte de vente en date du 31 juillet 1923 des consorts GUEUDET-QUIDECON aux époux Auguste et Germaine LESOBRE (Image 2). L’habitation-dépendance y est décrite : « Cour avec jardinet dans laquelle se trouvent : Un petit corps de logis construit en torchis comprenant rez de chaussée d’une pièce, premier étage de deux pièces, second étage d’une pièce, grenier au dessus couvert en ardoises, écurie, cabinets d’aisance, étable, pompe. Dans le fond, petit bâtiment en bois avec cave au dessous. »
C’est ainsi que ces dépendances, propriété des époux LESOBRE, restèrent en l’état et ne furent pas atteints par les bombardements de mai-juin 1940, l’image 3 permet d’en figurer le contour alors que la rue de la République n’est plus que ruines.
Après commencement de la reconstruction, vers les années 1950, l’image 4 fait apparaitre nettement la vue de la dépendance-habitation. Cette photo a été prise lors d’une exposition de tracteurs, vraisemblablement à l’occasion de la foire de Breteuil, où sous l’enseigne des tracteurs et moteurs ‘SAGNIER’ dont le magasin se situait rue de l’église toute proche, La Sté Française de Vierzon exposait ses derniers modèles installés là pour raison de commodité avec l’accord des propriétaires LESOBRE. Sur l’image on distingue le commerce Deberny de fruits et légumes bien réparé ainsi que l’immeuble ‘DERUFFE’ (qui abrite encore aujourd’hui le siège de la Société historique de Breteuil), alors commerce de nouveautés et habitation des propriétaires complètement reconstruit.
Le plan cadastral ci-dessus illustre parfaitement l’emprise de l’habitation dépendances du 15 de la rue Quétel (parcelle 88).
Monsieur et Madame LESOBRE logeaient alors gracieusement dans ce logis une cousine Paulette de l’abbé LESCONNEC, alors curé de Vendeuil-Caply, arrivée du Finistère près de Lambézellec à Lesneven ; ils logèrent ensuite une dame MERCIER, octogénaire et veuve de guerre, vraisemblablement amie proche de cette cousine Paulette.
L’abri du fond servait de remise pour le bois de chauffage, les fagots, le charbon, la paille et autres matériaux divers ; l’étroite cave située sous cet abri comportait un porte-bouteilles scellé à la paroi sous forme de 2 casiers de 300 places chacun.
C’est dans la nuit du mercredi 3 février 1954 vers 3 heures du matin, par un froid glacial de -16°, qu’une voisine Marguerite, épouse de Monsieur DECORMEILLE, qui avait l’habitude de dormir avec la fenêtre entr’ouverte (malgré le froid !) fut alertée par une odeur de fumée et vint de suite avertir les époux LESOBRE. Ceux-ci se rendirent vite compte que le feu avait pris au niveau de leur abri de fond de cour et embrasait le logis-dépendance attenant. Les pompiers ayant très vite été avertis, Madame LESOBRE réveilla sa locataire, Madame veuve MERCIER pour la mettre en lieu sûr dans sa maison tandis que Monsieur LESOBRE reculait prestement son véhicule Renault 16ch Primastella du garage sous les flammes pour le garer dans la cour proche de Monsieur DERUFFE, lui-même averti du sinistre en cours.
La nature des matériaux en flamme, fagots, paille et logis en torchis sous charpente bois entretinrent un feu si violent que le les pompiers ne purent empêcher la destruction totale de cette habitation-dépendances mais firent en sorte que le brasier ne se propage vers l’habitation adjacente de Monsieur DEBERNY.
Les images 5 et 6 montrent la formidable progression de l’incendie. C’est le photographe britulien Max SERGIS, arrivé très vite sur site qui est l’auteur de ces clichés. L’image 7 visualise l’état final de l’incendie après que les pompiers firent ébouler les restes fragilisés. On remarque au-dessus des fumeroles la neige persistante sur les toitures des maisons LESOBRE et DEBERNY.
Les journaux des jours suivants relatèrent en détail l’évènement (images 8 & 9).
Madame veuve MERCIER perdit tout, n’étant elle-même pas assurée. Il se rapporte que seul un crucifix accroché dans sa chambre au-dessus de son lit métallique fut rescapé du sinistre.
Le carnet-journal du propriétaire Monsieur LESOBRE (image 10) relate les faits dans leur contexte météorologique.
Le propriétaire, Monsieur LESOBRE, était assuré par le cabinet Roux et c’est son cousin Paul LESOBRE qui s’occupa de régler le sinistre.
Il fut également rapporté que l’origine de l’incendie fut des étincelles provenant du transformateur EdF tout proche de l’abri de fond de cour et dues au gel intense et la glace environnante.
La suite du carnet-journal de Monsieur LESOBRE relate jour après jour jusqu’à fin 1954 les travaux de déblaiements, sciage de bois, rangement de briques, comblement de la cave,… 10 tombereaux furent nécessaires pour le déblaiement des décombres, l’opération fut menée par Monsieur André FREMAUX.
Monsieur REINAULT, architecte, fut chargé de prescrire les travaux nécessaires pour réhabiliter ces dépendances sous forme d’abri de fond de cour, garages avec toit-terrasse, chaufferie et toilettes. Il ne fut jamais question de reconstruire un habitat au-dessus des garages. C’est cette réhabilitation qui est restée en place jusqu’à maintenant (image 11).
On remarque que les portes de garage qui étaient à l’origine des rideaux métalliques furent remplacées par des portes coulissantes de marque Perrier et fournies et installées fin 1954 par la Sté Dechaumont. Un troisième porte double battante en bois fut ajoutée pour parachever l’ensemble.